Silay

Lorsque l’on évoque les Philippines on pense souvent aux plages paradisiaques, à la mer d’un bleu limpide, aux plongées mondialement connues mais les Philippines sont riches de bien d’autre chose comme on s’efforce de vous le montrer au travers de nos différents articles. Son histoire parfois plus coloniale avec les Espagnols, ou encore plus géopolitique avec les État unis d’Amérique ou aussi très sanglante avec les japonais, il y a aussi tout ce qui est lier à l’évangélisation, l’animisme ou la religion musulmane ou encore bien avant le commerce avec la Chine, le pouvoir magique des Sultans du Brunei, les indigènes etc… Pour rappel les Negritos sont le peuple le plus vieux des philippines après l’homme de Tabon une bien longue histoire…

Tout ceci nous amène à vous parler de Silay, une petite ville sur l’ile de Negros, coté occidental. Autrefois prospère grâce au commerce du sucre, aujourd’hui cette ville protège son patrimoine culturel fort.

Cette ville se trouve à 14km au nord de Bacolod, capital de la province du Negros occidental, vous pouvez y accéder facilement par jeepney ou bus pour moins de 10 pesos.

Bien avant la colonisation de l’ile de Negros par les espagnols, ce village était déjà prospère grâce au commerce de coquillage avec les Chinois. Les villageois habitaient en bord de mer, organisé en thalassocratie ils nommaient ce baranguay, comprenez ce village, Carobcob. Des preuves archéologiques ont été trouvé prouvant qu’une communauté chinoise de marchand se trouvait ici, ce qui finalement n’est pas très étonnant quand on regarde la géographie locale et maritime.

Instant de linguistique :

Il y a des nombreux dialectes aux Philippines plus de 200 recensés, la langue officielle est le filipino et depuis déjà quelques années tous les enfants apprennent aussi l’anglais à l’école obligatoire, anglais plus américain que british d’ailleurs. (Pas de panique si vous ne parlez pas le filipino, la majorité des Philippins parlent, même timidement, aussi l’Anglais).

Comme dans toutes l’Insulinde, et le filipino ne faisant pas exception, on retrouve des traces laissé pas les austronésiens dans le vocabulaire vernaculaire, ce qui en termes d’apport à la compréhension de l’histoire et de la culture qui en a découlé et non négligeable et nous en dit long…

Les « bajao », nomades des mers derniers descendants direct des austronésiens, vivaient dans leur bateau (pirogue, barque), c’était pour eux leur maison, leur village… ce peuple marin est venu coloniser les terres de l’archipel, laissant des traces à jamais graver, entre autres dans l’origine de certain mot. Si vous recherchez l’origine, l’étiologie du mot village, « BARANGAY » en filipino, vous vous apercevrez que ce mot trouve son origine ou du moins ce rapproche fort du mot bateau dit « prao » (en ancien filipino), qui se dit aujourd’hui Bangka. Lourd en signification, dans la compréhension du rapport à l’habitat et bien d’autre chose des Philippines, n’est-ce pas ?

L’arrivée des espagnols a amené l’évangélisation et les conquistadors espagnols, dont le premier est Magellan, ont placé les habitants et les terres sous le régime de la couronne espagnole. En même temps que la colonisation se faisait, au sud dans le Mindanao, les sultans prenaient de plus en plus de pouvoir et de richesse en pillant les villages du bord de mer. Carobcob n’échappera pas au pillage par les pirates ce qui les poussera à se reloger sur un isthme entre les rivières. Ils construiront le village entouré de barricade afin de se protéger d’éventuels dangers. La terre où ils se relogeront était entourée d’arbres appelés Silay, qui donnera le nom à cette ville.

L’évangélisation amenée par les espagnols ne rencontrera pas de forte résistance, bien au contraire les Philippins vont adopter cette nouvelle religion et se l’approprier avec force et conviction toujours bien présente aujourd’hui. De par cette évangélisation, la croyance animiste des iles des Visayas sera totalement oublié/tué. La première église du village de Silay sera construite en bambou et en nipa, elle sera reconnue en 1776 par l’évêque de Cebu pour Rome.

Au cours du 19e siècle, la ville est devenue prospère. Le Frère Eusebio Manuel Loscin et le gouverneur Macario Samson reconstruisent la ville, une église faite de pierre sera construite pour remplacer celle faite en matériaux légers. Le frère E.M.L a lancé un appel à ses paroissiens, amis de l’église et famille de sa région, de là va commencer une nouvelle ère de richesse pour cette ville. Le commerce va commencer avec du sinaway, textile, puis avec l’ouverture du port de Iloilo, le commerce ne va faire qu’augmenter. Iloilo est la ville se trouvent juste face de Silay, sur l’ile du Panay, Western Visayas on en parle ICI (lien vers article sur la route des Visayas).

De cette initiative, les terres vont être peu à peu exploiter car elles sont très fertiles, l’exploitation de la canne à sucre commence !

En 1846, le français Yves Gaston venant de l’ile Maurice ici (lien vers l’article sur l’ile Maurice), îles se trouvent juste à côté de l’ile de la Réunion (ile d’enfance de Marieke), appeler t’entend ile Bourbon à lire ICI (article sur l’ile de la réunion). Ce Gaston emportera avec lui un four à vapeur économique qui produira du meilleur sucre. A la fin du 19e siècle la ville à l’honneur d’accueillir un port de 1,7 km de long, le plus grand port d’Asie à cette époque.

En 1898, le 5 novembre, une révolution se fait contre les espagnols mais il n’y aura pas de bataille sanglante. Les espagnols se rendront, non sans feindre dans l’acte de reddition une bataille féroce. C’est ainsi que l’ile de Negros sera libérée de l’emprise espagnole mais en 1899 les américains débarqueront pour, à leur tour, coloniser cette terre.

En 1903, Silay est la ville la plus peuplée du nord de Negros. Avec le début de la première guerre mondial et la fermeture du canal de Panama, les américains se rendent comptent que les Philippines sont leur première source pour le sucre et si je peux me permettre de le dire ainsi, grâce à cette guerre, le prix du sucre va augmenter, ce qui enrichira encore plus les exploitants. Nous sommes dans l’âge d’or pour Silay et ses habitants. Grâce aux richesses brassées les bateaux d’Europe et d’Amériques se pressent dans le port, ramenant avec eux les richesses et la culture de leur pays. Durant ces années on appellera Silay : « le Paris de l’Orient ».

En 1925, une nouvelle église, l’église San Diego, sera bâtit par un architecte italien, actuellement elle est toujours en place, intacte. Pour l’anecdote, la première église étant plus petite (reconvertit en une chapelle d’adoration), la population ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas avoir une plus grande église. C’est grâce au financement à 80% par José R. Ledesma, un paroissien, que la construction, faisant appel à cet architecte italien, a été possible, ce qui donne un magnifique bâtiment dont l’architecture diffère des autres églises du pays. La ville aura un fort pouvoir politique et économique au sein de l’archipel des Visayas.

Durant la 2nd guerre mondiale les japonais prirent d’assaut la ville. Pour empêcher les forces armées japonaise de bénéficier du commerce du sucre, le président Manuel Quezon va demander à ce que l’on détruise l’usine Hawaiian, usine sucrière. Avant l’arrivée des alliées américains, le lieutenant Junichiro Doi, de l’armée impériale japonaise, a eu pour ordre de détruire l’église San Diego mais étant un amoureux d’histoire et voyant les habitants se réfugier à l’intérieur, il n’exécuta pas l’ordre ce qui sauva bon nombre de vie et le monument le plus important de l’époque. A l’arrivée des américains, les japonais avaient déserté la ville pour se cacher dans les montagnes, la bataille a été difficile à mener dans ce relief mais finalement les soldats japonais se sont rendus. Cette bataille a été tellement difficile que longtemps après la capitulation des japonais, les habitants de la montagne disaient voir apparaître encore des soldats de l’armée impériale.

Après tant d’histoire passée dans cette localité les habitants et le pouvoir local se rendent compte de l’importance de conserver bâtiment, objet et histoire. En 1957, le mayor (bourgmestre/maire), se rend compte que si Silay est élevé au rang de ville elle aura plus d’aide financière du gouvernement et donc elle s’élèvera et sera la 2nd ville du Negros occidental. Grace à cela le centre civique de Silay sera ouvert, c’est le premier centre culturel à s’ouvrir en dehors de Manille. Dans ce centre, qui se trouve sur la « Plaza Public » vous pouvez avoir beaucoup d’information, en partie grâce au petit musée retraçant l’histoire de la ville ou bien en discutant avec Frances, une pinay passionnée par l’histoire de son ile. N’hésitez pas à demander la carte de la ville elle vous fournira les lieux à visiter. Un grand merci à toi Frances pour ce voyage dans le temps.

En vous baladant dans la ville, vous pourrez apercevoir ces maisons de type colonial avec un certain mélange. La maison de Victor Gaston, baron du sucre et fils de Yves Gaston, est une véritable merveille à visiter, bâtit dans le début du 19e siècle, elle reste resplendissante. D’autres maisons, des temps prospère du commerce du sucre, sont encore visible dans les rues, certaines ne sont pas accessible étant du domaine privé mais d’autre sont tombé dans le domaine public… Si la généalogie vous intéresse, trouver ici une école de ce domaine passionnant.

Une autre chose qui nous a positivement surpris en se baladant dans cette ville se sont les poubelles !! Une ville avec une conscience écologique plus poussé qu’ailleurs ? Une ville qui n’aime pas la pollution visuelle ? Le plus drôle, se sont avec quoi sont fait ses poubelles : des pneus de camion reconvertit !! Chapeau pour la créativité.

Il y d’autre chose intéressante à visiter ou à faire dans le coin, island hopping ou encore l’arrière-pays plus en hauteur, qui sépare les deux provinces riches en histoire et tout particulièrement celle de l’invasion par les Japonais. Mais il nous est impossible de tout visiter et tout vous relater, nous serons donc obligées de revenir plus tard ici, à suivre …

Voilà on espère vous avoir fait voyager au moins autant que nous lors de notre passage ici, en route vers Cebu un autre pan de l’histoire des Philippines, la dernière Bataille de Magellan, le festival régional du Sinulog et bien plus encore …

Vos globetrotteurs Philippe et Marieke